En débarquant à Las Vegas, j’eus du mal à savoir lequel de mes cinq sens était agressé en premier.
INTRODUCTION
Était-ce la vue ? Entre les machines à sous aveuglantes qui rendraient un moine bouddhiste épileptique et la vue de l’obésité morbide qui règne au pays de l’oncle Sam.
Était-ce l’ouïe ? Entre les musiques pourraves et inévitables qui te font saigner des oreilles à chaque coin de rue et le vacarme des Lamborghini rose fluo de gros beauf qui pullulent dans les avenues.
Était-ce l’odorat ? Entre les fast-foods bas de gamme qui t’agressent le nez à peine sorti de ton hôtel et l’odeur nauséabonde de tous ces crackheads qui transpirent l’Amérique des perdants en mendiant près des Seven Eleven.
Était-ce le goût ? Entre les sandwichs jambon « sucré » – cheddar et les donuts tellement gras qu’ils rendraient un pot de sel diabétique.
Finalement, n’était-ce pas mon sens du toucher qui était le moins brutalisé ? Difficile à dire, tant les poignées des portes d’entrée des casinos étaient poisseuses.
En gros, donne quelques milliards à des gamins, attends un peu, va chercher du pop corn et regarde ce qu’ils en font : une espèce d’immense Disneyland de la thune.
Dieu merci, des joueurs endurcis sur le retour sont là pour vous remettre sur le droit chemin.
Toujours est-il que j’ai passé une nuit dans la Sin City avant de reprendre la route pour traverser une bonne partie du désert du Nevada. Destination : Utah, Brian Head, 3h30 de route depuis Vegas, 3 000 mètres d’altitude, des températures avoisinant les -5°C la nuit même en été et, surtout, 84 habitants.
Autant te dire que la ville n’est pas internationalement reconnue pour son opéra.
À peine arrivé dans mon airbnb plutôt confortable qu’un petit message glissé sous ma porte me mit du baume au cœur. Il était question d’une bactérie qui avait infecté l’eau et qui portait le nom délicieux d’ « Escherichia coli ».
Autrement dit, si j’avais bu la flotte du robinet, j’aurais chié mou pendant 2 semaines.
Impossible de se brosser les dents avec cette eau et même de laver la vaisselle… pendant 4 jours. Et comme si cela ne suffisait pas, j’ai également eu le droit à une coupure de courant deux jours après le feu d’artifice du 4 juillet… qui était un jeudi. La date a l’air d’un détail mais elle a son importance, puisque le jeudi était férié et que ces cons d’Américains en ont tous profité pour faire le pont et déserter le village pendant 4 jours. Ainsi, la panne aura duré plus de 48h :

L’auteur décline toute responsabilité quant aux actes de ses personnages.
Me voilà donc aux États-Unis d’Amérique, ce doux pays où il est plus facile d’acheter une arme à 13 ans qu’un pack de bières.
D’ailleurs, voici quelques lois qui résument bien l’esprit dans lequel s’est fondé l’Empire (certes désuètes mais qui existent toujours !) :
N E V A D A
– À Nyala, il est interdit de payer une tournée à plus de trois personnes, y compris soi-même
– Il est illégal de chevaucher un chameau sur l’autoroute
– À Eureka, les moustachus sont interdits d’embrasser une femme
– Les personnes se déplaçant dans les rues de Elko doivent porter un masque
A R I Z O N A
– À Tucson, il est illégal pour les femmes de porter un pantalon
– À Globe, il est illégal de jouer aux cartes dans la rue avec un Indien
– À Glendale, il est illégal de conduire en marche arrière
– À Nogales, il est illégal de porter des bretelles
U T A H
– Les oiseaux ont la priorité sur toutes les autoroutes
– Un homme est responsable des crimes de sa femme
– À Monroe, on doit pouvoir voir de la lumière entre les corps de deux danseurs
– Il est illégal de chatouiller une femme et de faire l’amour en pleine lumière
(mais tu peux la violer dans un parking glauque s’il y fait assez sombre)
L’AMERICAN WAY OF LIFE

WALMART
À force d’importer de Chine des montagnes de tee-shirts et de fours à micro-ondes, d’asphyxier le petit commerce et de tirer les coûts vers le bas, la modeste entreprise fondée en 1962 à Rogers (Arkansas) par Sam Walton n’a-t-elle pas déréglé l’american way of life ? Autrement dit, ce qui est bon pour Walmart est-il bon pour les États-Unis ?
J’avais déjà mis les pieds dans un Walmart au Canada mais je dois reconnaitre qu’aux États-Unis, c’était encore une tout autre histoire.
Célèbre temple de la consommation où il est plus difficile de trouver des briquets vendus à l’unité qu’une bouteille de jus d’orange de 5 litres, cet endroit tient plus de la cour des Miracles que de l’hypermarché. Entre les obèses affalés sur les mobility scooter, les mormons et les Amish*, il y avait comme un spectacle fascinant chaque fois que je passais les portes du magasin.
*Il faut savoir que les Amish sont connus pour mener une vie simple et austère, en se tenant à l’écart du progrès et des influences du monde extérieur. Mais je dois reconnaitre que de les voir rouler en énorme pick-up Dodge et de les griller en train de faire leurs courses chez Walmart m’a laissé perplexe. Ou alors c’est une autre secte d’allumés dont je n’ai pas pris connaissance. Ou alors ce sont des Amish 2.0.

C’était également le genre d’endroit qui me faisait penser aux hypermarchés « Continent » des années 90, où des sacs plastiques à la caisse étaient en libre service.
Chez Walmart, c’était la caissière (ou le caissier) qui emballait directement mes articles. Comme si leur taf n’était pas déjà assez répétitif et humiliant comme ça. Et je ne sais pas pourquoi, mais le syndrome du Titanic n’avait pas l’air de les inquiéter. Ils étaient capables de mettre 2 ou 3 articles par sac quand ces derniers pouvaient en contenir une dizaine chacun. D’ailleurs, tous leurs produits sont suremballés, à tel point qu’on y trouvait des bananes ou des œufs décoquillés et emballés à l’unité.
Je pense sincèrement que les États-Unis ont un projet de solution finale contre les ours polaires.

QUELQUES CHIFFRES
- L’enseigne emploie 1,8 million de salariés dans le monde, dont 1,3 million aux États-Unis, qu’elle appelle ses « associés ».
- Son chiffre d’affaires, tous pays confondus, est de 312,4 milliards de dollars (246,375 milliards d’euros), soit le PIB de la Norvège.
- L’entreprise dégage 11,2 milliards de bénéfices annuels.
- Ses employés gagnent en moyenne 20 000 dollars par an (1 310 euros mensuels). À peine de quoi faire vivre une famille de quatre personnes.
- Chaque année, la firme importe de Chine pour 18 milliards de dollars de produits manufacturés.
- Le déficit américain à l’égard de Pékin est de 154 milliards de dollars, cela signifie que Walmart y contribue pour près de 20 %.
Walmart pèse si lourd qu’il contraint nombre d’entreprises américaines à s’aligner sur ses pratiques sociales et commerciales, sous peine de n’être plus compétitives. En un mot, les gens de l’Arkansas tirent vers le bas la qualité de vie des Américains.
Si l’enseigne est un véritable cauchemar pour les employés (des histoires de harcèlement moral et sexuel sont régulièrement relayées dans la presse américaine) elle est, au contraire, un paradis pour les consommateurs qui bénéficient du célèbre « Save money. Live better. ».
/!\ Astuce de snob /!\
On est tous d’accord pour dire que le café américain tient plus du jus de chaussette que de l’expresso noir et sans sucre. Pour remédier à ce problème, j’utilise la « technique Wolf », ce personnage minutieux et méthodique du film Pulp Fiction : « beaucoup de lait, beaucoup de sucre ». T’auras l’impression d’avoir une espèce de Starbucks.

L’AMERICAN DREAM
Globalement, il est vrai que le niveau de vie des Américains est, en moyenne, supérieur à celui des Français. En revanche, les inégalités sociales sont nettement plus visibles dans la première puissance mondiale, dont le taux de chômage ne dépasse pas les 3,6 % (chiffres d’avril 2019).
Entre les personnes âgées contraintes à travailler, même à 75 ans en n’ayant plus que la peau sur les os, les employés de chez McDonald’s qui nettoient les tables en trainant une bouteille d’oxygène et les handicapés mentaux qui te servent chez Burger King, on est en droit de se demander : mais qui peut bien être au chômage aux États-Unis ?
Si ce n’est les grands blessés de guerre et les tétraplégiques. Ou les deux à la fois : tout est une question d’organisation. Et de souplesse.
Tout le monde a un travail mais les États-Unis sont pourtant très loin dans le classement des pays les plus égalitaires du monde. Le fait que tout le monde ait une vie active montre simplement que la plupart des emplois sont précaires et très mal payés. Il n’est d’ailleurs pas rare que les américains cumulent 2 à 3 jobs différents pour subvenir à leurs besoins.

LES AMÉRINDIENS
En ce qui concerne les Amérindiens, leur sort est assez proche de celui qu’ont subi les Aborigènes d’Australie.
Loin de l’éternelle classe intersidérale de Bobby Sixkiller dans la série Le Rebelle (Renegade), beaucoup sont obèses et vivent dans des quartiers relativement pauvres. Par chance, certains ont fait fortune grâce aux casinos névadains, prenant ainsi leur revanche par procuration sur tous les américains qui s’y ruinent.
Historiquement, c’est après une sévère correction de la part des colons européens (6-0 − 6-0 − 6-0, déclaration de forfait immédiat pour le match retour), que ces derniers les ont parqués dans des « Indian reservations ».
Beaucoup gagnent leur vie en faisant des petits boulots dans des commerces de proximité. En outre, on croise régulièrement des stands de fortune de « Navajo jewelery » sur les immenses routes désertiques.
Je ne suis pas un spécialiste en la matière mais je ne suis pas persuadé que ces commerces soient très juteux.
D’autres encore profitent du tourisme de masse pour organiser des tours ou faire payer l’entrée des lieux naturels. Cependant, l’organisation des Navajos n’a pas l’air très légale et fait même carrément mafieuse à bien des égards.
Et sur le coup, ça te fait chier de payer pour aller voir un paysage naturel qui devrait être accessible à tous, alors que t’as déjà claqué $80 dans un pass annuel.
Partagé entre la filsdeputerie et la compassion, mon coeur balance.
SOFT POWER : LE CINÉMA

À elle seule, la célèbre Monument Valley a déjà été le lieu de plus d’une soixantaine de tournages.
C’est maintenant la troisième fois que je mets les pieds aux États-Unis et je vois toujours autant de drapeaux américains fleurir un peu partout. Mais comment peut-on être si fier d’une identité nationale qui a été esclavagiste, ségrégationniste jusqu’aux années 60, qui continue à être raciste, qui a été génocidaire à l’égard des Indiens et qui reste impérialiste quoi qu’il advienne ?

Les travaux de Pierre Conesa sur le cinéma américain répondent en partie à ces questions. En voici un résumé en quelques points clés :
Sur le Vieux Continent, les westerns que nous connaissons bien sont les « bons » westerns. C’est-à-dire ceux qui sont exportables. De Sergio Leone en passant par John Ford, nous avons tous déjà vu au moins une dizaine de ces films qui passaient à la télé quand nous étions enfants.
On se demandait même « mais pourquoi ont-ils toujours l’air aussi sales ? ».

En revanche, en ce qui concerne les « mauvais » westerns, c’est une tout autre histoire.
Sur environ 2 700 westerns différents parus entre 1930 et 1954, l’ennemi est le rouge. C’est une espèce de sauvage qui refuse la civilisation (puisqu’il s’oppose au mode de vie des colons) et dont la femme a les jambes nues pendant que celle du cowboy porte une grande robe à crinoline. Les Indiens y sont méchants et les cowboys gentils : caractéristique du mauvais film dans lequel il n’y a pas de second degré. Autrement dit, c’est le seul média culturel qui a légitimé un génocide pendant des décennies.
Mais c’est tellement bien fait qu’on a tous rêvé d’être cowboy.

On pourrait en rire si le cinéma n’avait pas un tel impact sur la mentalité des américains, car aux États-Unis, il n’y a pas de ministère de l’Éducation nationale. Chaque état est responsable de son propre programme scolaire.
J’imagine que la guerre de Sécession racontée en Caroline du Nord et en Californie doit être quelque peu différente.
C’est donc Hollywood qui s’est chargé de raconter le récit national, avec Schwarzenegger qui tire debout à la mitraillette face à l’ennemi.

Ou bien Stallone qui bute entre 200 et 300 Vietnamiens à lui tout seul dans la quadrilogie Rambo.
Je te laisse imaginer le scandale médiatique si le même genre de film sortait en France sur la guerre d’Algérie.

Pourtant, Carl von Clausewitz nous explique que le brouillard de la guerre oblige les combattants à rester couchés sur le sol pour éviter les tirs ennemis.
Mais on ne peut pas humilier le soldat américain, même si aucun des acteurs susnommés n’a jamais fait la guerre.
Ce sont pourtant ce genre de films diffusés en masse aux États-Unis qui sont pris au premier degré et qui forgent le patriotisme américain.
Et quand bien même le film est un chef-d’œuvre cinématographique, 9 fois sur 10 l’histoire se focalise sur la souffrance du soldat américain. Ainsi, il n’y a pas un seul Vietnamien présenté de manière positive dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola et 100 % des Irakiens dans American Sniper de Clint Eastwood sont des salauds.

Un sondage réalisé en France entre 1945 et 2015 résume ainsi la puissance du soft power américain : « Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne en 1945 ? ».
Je te laisse cliquer sur le lien.
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Bref, je pense n’avoir jamais autant prononcé les mots « formations rocheuses » et « canyon » de toute ma vie.
Tiens, à ce propos, j’ai une super blague à te raconter :

FOCUS PHOTOGRAPHY

PHOTOGRAPHIER LA VOIE LACTÉE
Photographier la Voie lactée n’est pas plus compliqué que de photographier les étoiles, du moins techniquement. J’avais déjà écrit un « Focus Photography » sur ce sujet dans mon article « I’m bad at parties » sur le désert australien.
Ça fait très longtemps que j’essaie de photographier notre galaxie. Si j’ai eu tant de mal, ce n’est pas par souci technique mais parce qu’il faut plusieurs conditions bien précises pour pouvoir la capturer ainsi.
La première chose à savoir, c’est qu’il faut être dans ce que les anglo-saxons appellent une « dark sky zone ».
C’est-à-dire une zone située à plusieurs dizaines de kilomètres de la ville la plus proche pour éviter toute pollution lumineuse. Quand je dis ville, je parle d’une vraie ville. Ce n’est pas Brian Head et ses 84 habitants qui m’ont gêné. Je n’étais pourtant qu’à 5 minutes en voiture de mon airbnb. En revanche, la ville la plus proche, Cedar City, était à 50 kilomètres.
La deuxième chose à savoir, c’est qu’il faut un ciel vierge de tout nuage.
Brian Head se trouve à 3 000 mètres d’altitude, ce qui réduit considérablement les chances d’avoir un ciel nuageux. En outre, il fait presque tout le temps beau dans cette partie du globe. Cependant, j’avais tenté l’expérience la nuit précédente mais sans succès.
La troisième chose à savoir, c’est qu’il faut à tout prix éviter la lune !
L’unique satellite naturel de la Terre a tendance à beaucoup trop éclairer le ciel nocturne, ce qui empêche d’avoir ce dernier suffisamment sombre sur son cliché. C’est pourtant indispensable pour photographier la Voie lactée. Ainsi, il ne faut pas hésiter à consulter les différentes phases lunaires sur internet avant de se déplacer. L’absence totale de lune ne se présente que quelques jours par mois seulement.
And last but not least : le réglage de son matériel.
Comme pour photographier les étoiles, il faut être à son ouverture du diaphragme la plus élevée (par exemple f/3,5 avec mon objectif). Il faut laisser maximum de 20 à 25 secondes d’exposition pour avoir des étoiles fixes et, ainsi, éviter le flou. Il faudra également augmenter tes ISO et régler ta mise au point sur l’infini (symbolisé par un petit ∞ sur ton objectif). La photo ci-dessus a les réglages suivants : ISO 6400 – 24 mm – f/3,5 – 20,0 s
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