J’ai débarqué à Santiago au début du mois d’octobre 2019, lors d’une douce soirée printanière de couvre-feu. Et qui dit couvre-feu dit : ni taxi, ni navette avant 7 heures du matin à l’aéroport.
INTRODUCTION
[Avertissement] Ça ne t’aura pas échappé, Santiago n’est pas en Patagonie. J’ai décidé de faire une partie de cet article sur la capitale chilienne pour expliquer ce que j’avais vécu au moment des émeutes d’octobre/novembre 2019. Il n’y aura pas de photo de la ville parce que la plupart des bâtiments étaient surveillés par des militaires armés. J’ai juste évité de pointer un objectif sur eux dans l’ultime but de rester en vie.
Enjoy !
Les voyageurs chanceux avaient trouvé un morceau de table et une chaise dans une cafétéria fermée. Quant aux moins bien lotis, ils n’avaient droit qu’au sol rêche de l’aéroport en guise de matelas. Personnellement, je n’ai jamais campé de ma vie. Je suis bien trop précieux. Alors j’ai préféré attendre un miracle dehors en fumant clope sur clope. Cela m’aura permis de me remettre en question : mais que Diable étais-je venu foutre dans cette petite dictature post-Pinochet ? État d’urgence décrété pour deux ou trois magasins incendiés et quelques flics lynchés sur la place publique ? J’ai trouvé l’actuel gouvernement un peu susceptible.
SANTIAGO
Toujours est-il que, par miracle, un taxi a fait irruption au coin fumeur après une petite heure d’attente. Après avoir vérifié que le chauffeur faisait bien partie d’une compagnie officielle, je suis monté dans la voiture en faisant un petit pied de nez à la plèbe qui était restée dormir à l’aéroport.
Bien sûr, les autoroutes étaient complètement vides. Les seules bagnoles que j’ai croisées étaient toutes dotées de gyrophares. Les rues de Santiago étaient sales et complètement désertes. Seuls quelques sans-abris erraient sans but ici et là. La situation était assez ironique car sans doute se disaient-ils que, pour une fois, ils avaient un laissez-passer que le reste de la population n’avait pas.
Le lendemain, en allant craquer une clope sur mon balcon en centre-ville, on pouvait encore sentir l’odeur de la lacrymo au petit matin. La ville avait l’air de s’être réveillée mais tous les commerces étaient fermés. Seuls quelques marchés et vendeurs de rue avaient ouvert leurs stores timidement, en ne les levant qu’à moitié.
Sur les murs un peu partout, on pouvait lire des messages dédiés au gouvernement en place : « renuncia Piñera » ; « Piñechet », à la police « asesinos », différentes insultes contre le gouvernement et quelques slogans anarchistes. Le nombre de graffitis était tel qu’il ferait passer une usine désaffectée pour un hôtel quatre étoiles. Rien n’a été épargné, pas même les beaux bâtiments qui abritent les musées ou l’administration chilienne.
À ce moment-là, Santiago c’était deux salles, deux ambiances. On pouvait se retrouver dans une rue en train de suffoquer dans un nuage de gaz lacrymogène pendant que, quelques mètres plus loin, des petits retraités jouaient aux échecs sur la Plaza de Armas.
Dans la rue, les habitants criaient « ASESIIIIINOOOOOS ! », sifflaient et huaient tous les flics qu’ils croisaient.
Les quelques civils qui sortaient du travail et faisaient la bise aux policiers postés devant les bâtiments à risque étaient dévisagés comme des collabos.
Les voitures de police étaient couvertes de peinture. Leurs vitres et leurs phares étaient brisés, protégés simplement par des grilles souples qui amortissaient les impacts des projectiles. Par conséquent, le président chilien a jugé utile de sortir des véhicules blindés dans les rues, habituellement réservés aux opérations militaires.
À la nuit tombée, lorsque le couvre-feu retentissait, les Santiagois sortaient à leur fenêtre et à leur balcon. Armé de casseroles et de percuteurs quelconques, le peuple s’insurgeait à travers un vacarme assourdissant dans toute la ville.
Ce qui était à la fois beau et inquiétant, comme un doux parfum de révolution sanguinaire.
Voilà, si tu as lu jusque-là, tu auras appris au moins un mot : les habitants de Santiago s’appellent les Santiagois (Santiaguinos en espagnol, mais ça on s’en fout).
Malgré les concessions présidentielles, la situation ne s’est jamais vraiment calmée jusqu’à mon départ. Les manifestations se sont juste déplacées au fur et à mesure que le mouvement se durcissait et changeait de forme. Ainsi, les commerces ont réouvert leurs portes peu à peu dans mon quartier. Certains d’entre eux gardaient encore les marques d’un passage mouvementé des manifestants, avec des portiques antivols défoncés et des vitres brisées.
Officiellement, le bilan de ces manifestations s’élève à au moins 23 morts et environ 200 personnes éborgnées, dont un étudiant de 21 ans qui a perdu la vue des deux yeux définitivement.
Officieusement, on parle de scènes de viols et de tortures dans les couloirs du métro, à l’abri des regards indiscrets. Certaines personnes manquent à l’appel mais elles sont alors classées dans la longue liste des « disparus » et n’ont pas encore leur nom inscrit dans la rubrique nécrologique.
J’avais entendu beaucoup de mal de la ville de Santiago. Que c’était une ville très polluée, avec peu d’activités et dont on faisait le tour en deux jours.
J’y suis resté un mois sans jamais réussir à la maîtriser. La ville est bien moins polluée que Paris et ses habitants sont d’une gentillesse rare. Il y a un nombre fou de commerces de proximité et de bars atypiques. Les bâtiments ressemblent à ceux d’une petite capitale européenne comme Madrid ou Lisbonne, loin de la laideur et de la froideur de Lima.
PATAGONIA
CHILE X ARGENTINA
Et comme je ne savais pas quoi dire à propos de la Patagonie et de ses paysages fantastiques, j’ai décidé de t’écrire une carte postale (enfin la carte postale que j’aurais écrite si j’avais 10 ans) :
Cher [mets le nom que tu veux],
Issi ils y a bocou de ven. Mé sa va parskil y a du soleille et ya meme un trou dan la couche dozone ce ki fé kon pren d cou de soleille kan on sor dehor méme si ya dé nuajes. G vu plein danimo come dé vigôgne, dé renar, dé liévre é dé rapasse. Lé montagne été tré tré joli mé d foi il fesé un pe froi. Lé rendoné été pa fassile ouille ouille ouille g mal au pié. lol (rire).
J’espere ke tu va bien bisou.
Snob Frog
P.S. : Si ça ressemble au bout du monde, c’est parce que ça l’est.

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FOCUS PHOTOGRAPHY

LES RECALÉES : VOUS NE PASSEREZ PAS !
Quand on fait une série de photos, il y a toujours un tri à faire. Parfois, cette sélection n’est pas facile : il y a du bon, du moins bon, on hésite…
Bien sûr, on a souvent envie d’en montrer le plus possible. Personnellement, je pense qu’il vaut mieux s’abstenir et faire une vraie sélection. C’est frustrant mais c’est en étant très sévère avec toi-même que tu donneras le meilleur.
Je vois beaucoup de photographes amateurs qui postent tout ce qu’ils font. Si j’ai un petit conseil à donner : il vaut mieux 4 photos vraiment travaillées de tout un voyage que 20 photos moyennes.
Je te propose alors de découvrir les photos qui n’iront pas sur mon compte Instagram mais que j’avais quand même envie de te montrer, pour l’exemple. Elles n’auraient même pas dû faire partie de l’article.
Certaines sont recalées parce que j’ai fait un autre cliché du même endroit plus réussi. D’autres le sont pour un problème plus « technique », comme une mauvaise lumière ou un cadrage douteux. Il y a également celles qui sont réussies techniquement, qui sont « jolies » mais devant lesquelles je ne ressens, hélas, rien. ¯\_(ツ)_/¯
Désolé pour la qualité des retouches mais je n’y ai pas passé des heures comme sur la série précédente, puisque je me suis rapidement aperçu que je ne sélectionnerai pas les photos ci-dessous :

↑ Je préfère largement la photo de couverture. Même endroit mais lumière différente. Ici, c’est un coucher de soleil, l’autre est un lever. L’autre, je me suis levé à 5 heures du matin pour aller la prendre. Celle-ci, je me suis pointé à 16 heures comme un chômeur.

↑ La composition et le cadrage sont globalement réussis mais je n’ai rien ressenti de particulier au développement numérique de cette photo. ¯\_(ツ)_/¯
C’est certainement dû au fait que la lumière n’était pas intéressante à ce moment-là.

↑ Composition trop chargée. Je préfère que l’image respire. J’avais cependant envie de te montrer ces fleurs rouge vif que l’on voit un peu partout au printemps patagon et qui détonnaient dans une nature verdoyante. On l’appelle le notro.

↑ Je préfère largement les deux autres clichés de cet endroit que tu peux voir plus haut dans l’article. J’aime la composition et le cadrage mais il y a un halo lumineux sur le haut de la photo dont je ne suis pas très fan. J’aurais, certes, pu corriger ce problème en post-production. La vraie raison qui m’a poussé à ne pas mettre cette photo est qu’on se rend compte des proportions en me voyant sur les deux autres clichés. Sur celui-ci aussi on me voit mais, cette fois, m’avais-tu repéré au premier coup d’oeil ?

↑ Cadrage douteux et composition trop chargée. Les deux autres photos du Perito Moreno, plus haut dans l’article, sont, à mon humble avis, bien plus pertinentes.

↑ Cadrage moyen et lumière trop décontrastée. Ce qui est dommage parce que j’avais à la fois les fleurs et les icebergs !
Cheers les snobs 🧐
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Je me débrouille toujours pour que mes articles soient lisibles en 5 minutes : c’est le temps en moyenne qu’un être humain passe aux toilettes. Coïncidence ?
le récit est toujours aussi passionnant , Et il est vrai que ton point de vue sur ce qui se passe et passé dans ce pays à ce moment précis Et une bonne chose autre que ce que nous montre les médias
toujours aussi drôle c’est petite BD et cette nouvelle rubrique avec c’est photos qui non pas était choisie et super enrichissante car ça nous donne le pourquoi du comment de cette photos au détriment d’une autre franchement génial ça nous apprend un peut plus sûr cette passion et de ton regard
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Eh bien, tu as amélioré ton orthographe entre tes 10 ans et ton âge d’aujourd’hui que je ne révélerai à personne 😀😉…
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