The situation is excellent but not hopeless


Le premier souvenir qui me vient à l’esprit lorsqu’on parle de l’Italie, c’est 2006. Finale de la Coupe du monde. Pour beaucoup, ce sont les fresques de Michel-Ange, les concertos de Vivaldi ou encore les westerns spaghettis de Sergio Leone. Eh bien, moi, c’est ce foutu match.


~ LAGO DI DOBBIACO ~

O

L’ÉCHEC
¯

Voici une histoire. Et elle est vraie.

Nous sommes le 9 juillet 2006 et j’ai exactement 17 ans. Je suis en Grèce, et plus précisément sur l’île de Rhodes. Le soir, fraîchement dépucelé et sapé comme un gland, je m’en vais d’un pas nonchalant courir la gueuse au bar de mon hôtel. Le succès n’est pas au rendez-vous, mais c’est certainement parce que j’ai d’autres préoccupations. Ce soir, c’est la finale de la Coupe du monde de football : France-Italie. Et ça s’annonce coriace.

À la 7e minute, Zidane tire un penalty suite à une faute de Marco Materazzi sur Florent Malouda. Panenka osée mais barre transversale rentrante.
On dirait bien que l’équipe de France a plus de chance de la mettre au fond que moi ce soir.

À la 19e minute, Materazzi égalise sur corner d’un but de la tête. Ce n’est pas sans rappeler les deux buts de Zidane lors de la finale de la Coupe du monde 1998.
Fait chier.

A la 107e minute, j’assiste, bouche bée, et avec 1 milliard de téléspectateurs, au coup de boule de Zidane à Materazzi. Je reconnais, malgré moi, notre numéro 10 pour l’un de ses rares points faibles : les cartons rouges. Ce sera le 12e et le dernier de sa carrière légendaire.

La suite, on la connaît. La France perd à cause de ce connard de Trezeguet aux tirs au but. Et voilà. L’arbitre sonne le coup de sifflet final. Je retourne dans ma chambre, sans claquer un mot de plus. La fierté au fond des chaussettes.
Pour me venger des Italiens, je vais boycotter les pizzas pendant au moins 4 ans.
Mais je me suis rappelé que je n’étais, de toute façon, pas un aficionado de cette spécialité culinaire. Il ne me restait plus qu’à prendre une douche pour me désencrasser de l’échec qui me collait à la peau. Puis je suis allé me coucher. Sans coupe du monde. Et sans gonzesse.


~ LAGO DI BRAIES ~

o

Toujours est-il que j’ai débarqué à l’aéroport de Venise-Marco Polo au début du mois de juin.
À ce propos, je te conseille d’y aller soit au mois de juin, soit au mois de septembre. Il te suffit de regarder quelques lieux touristiques sur Google Maps pour t’apercevoir que les mois de juillet/août sont blindés, avec des parkings pleins à craquer. 

J’y ai récupéré la bagnole la plus minable que j’aie jamais eue entre les mains : une Citroën C1. C’est la première fois de ma vie que, pied au plancher, j’observais l’aiguille du compteur de vitesse dépérir au fur et à mesure que je m’élevais vers les sommets.
Clique sur le lien et monte le son pour te donner une idée de l’engin. Je peux t’assurer qu’au milieu des grosses cylindrées allemandes et des voitures de luxe italiennes, j’en menais pas large. La « dolce vita », qu’ils disaient.

D’un élan audacieux, je me souviens malgré tout être parvenu à dépasser la limite de vitesse de 5km/h sur l’autoroute. Mais ce ne fut que quelques secondes de folie avant de me rabattre lâchement sur la file de droite.
Disons qu’il y avait des automobilistes derrière qui auraient vraiment aimé enfreindre le code de la route.


~ LAGO DI CAREZZA ~

o

Une heure et trente minutes plus tard, j’étais dans un bled complètement paumé, au fin fond des Dolomites. Évidemment, à 21 h 30, y dénicher une épicerie ouverte pour se sustenter relevait du parcours du combattant. Il y avait bien ce Lidl avec la « plus belle vue du monde », mais il était tout aussi fermé que la quasi-totalité des volets du village.
Qu’on se le dise : Domegge di Cadore n’est pas une fête.

C’est donc le proprio du Airbnb qui m’a offert l’hospitalité. Il ne parlait ni anglais, ni français et je ne parlais pas un seul mot d’italien.
À part des conneries du genre « ti amo » mais ça faisait beaucoup trop pédé. J’ai rien contre les gays hein, mais deux hommes seuls qui se regardent dans le blanc des yeux en suçant des spaghettis… voilà, quoi. 

Avec l’aide de Google Translate et de deux langues relativement transparentes, la conversation a donné quelque chose comme ça :

Non, sans déconner, leur pain est vraiment merdique.


~ VAL DI FUNES – SANTA MADDALENA ~

o

LES DOLOMITES, C’EST QUOI ?
¯

Depuis le 26 juin 2009, les Dolomites sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO. D’ailleurs, l’architecte Le Corbusier l’affirmait : « Les Dolomites sont la plus belle architecture naturelle du monde. » Et ces montagnes, résultant de la fossilisation d’algues et de coraux, ont effectivement été construites. Pendant 250 millions d’années, elles se sont élevées dans les eaux chaudes du paléo-océan Téthys. L’abaissement du niveau des eaux a permis de découvrir ces « sommets pâles » blanchâtres, majestueux et aux formes bizarres, très différents des massifs environnants. C’est en 1788 que les chercheurs ont finalement attribué cette couleur caractéristique des reliefs du Sud-Tyrol à la présence de calcaire contenant du magnésium.


~ PASSO DI GIAU ~

o
o
N’oublie pas que tu peux faire « clic droit » et « ouvrir l’image dans un nouvel onglet » pour l’agrandir.

FUN FACTS
¯

Dans les Dolomites ont été tournées des scènes de divers films, dont La panthère rose de Blake Edwards (1963), Le Bal des vampires de Roman Polanski (1967), The Last Emperor de Bernardo Bertolucci (1987), Rien que pour vos yeux avec Roger Moore (1981), Cliffhanger avec Sylvester Stallone (1993), Braquage à l’italienne de F. Gary Gray (2003) et la série télévisée Un passo dal cielo avec Terence Hill (2010). Une partie du film Jurassic World Dominion se déroule dans les Dolomites, où l’entreprise fictive Biosyn a construit un sanctuaire pour les dinosaures.
Bim ! Fun facts dans ton visage.

Edit : Je suis allé voir Jurassic World Dominion après l’écriture de cet article. Outre le fait que Colin Trevorrow a définitivement violé mon enfance, il n’y a pas une seule scène qui se passe réellement dans les Dolomites.


~ ALPE DI SIUSI ~

o

UN VOYAGE, UN PHOTOGRAPHE
¯

Né en 1941 et architecte de formation, Guido Guidi est considéré comme l’une des figures incontournables de la photographie italienne.

Marghera, piazza Sant’Antonio, 1986 – © Guido Guidi
o

Inspiré par le cinéma néoréaliste italien et l’art conceptuel, Guidi ne cessera d’explorer la Vénétie des années 80. Cette région, autrefois pauvre et rurale, connaitra un essor économique important au tournant des années 70. Rencontre avec l’artiste dans cette Italie anti-cartes postales.
(La Vénétie s’étend des Dolomites à la mer Adriatique, NDLR)

Verso il Monte Grappa, 1985 – © Guido Guidi
o

Son principal sujet est l’espace péri-urbain, longtemps déconsidéré par ses pairs. L’artiste ne cherche pas à monumentaliser ces espaces dénués de connotations esthétiques, comme a pu le faire William Eggleston de son temps. Le photographe cherche leur revers, ce qui s’y cache, regardant dans la direction opposée des canons de son temps.

Veneto, 1985 – © Guido Guidi
o

Une voiture garée sur un parking, la porte d’entrée d’un immeuble, un homme qui repeint un poteau, un mannequin en vitrine… Tout ce qui nous parait d’une banalité confondante devient le terrain de jeu du photographe. « Rien n’est sans importance, tout est digne d’attention » confie Guido Guidi dans une interview pour Aperture. Ici, l’artiste préfère les marges d’un territoire sans histoire, l’absence d’événement.

Piazzola sul Brenta, 1985 – © Guido Guidi
o

En apparence, il n’y a rien à voir de captivant mais le photographe sait que l’oeil ne peut s’empêcher de chercher, de trouver l’élément à regarder. Il cherche et, petit à petit, il voit : le rouge éclatant d’une rambarde en fer, le bleu vif d’un sous-vêtement, l’ombre portée d’un clocher. Guido Guidi ne montre pas seulement l’expansion urbaine. Il révèle la vie qui se consume et qui poursuit sa course inexorable et silencieuse. La photographie de paysage urbain est réinventée.
Bim ! Un peu de culture dans ta figure.


~ TRE CIME ~

o
o

On compare souvent les Dolomites aux Rocheuses canadiennes. Il est vrai qu’on y retrouve le même genre de cadres bucoliques. D’ailleurs, certains lieux n’ont rien à envier aux lacs Moraine ou Peyto. Je dirais même que la région est parfois un peu plus variée. Si on ajoute à cela les quelques hôtels fantômes, on pourrait même se croire dans un film de Stanley Kubrick ou de Wes Anderson. L’espace d’un instant, seulement. Car je n’ai pas ressenti l’immensité et la solitude que l’on rencontre dans le deuxième plus grand pays du monde. Ni même aux États-Unis. Il manquait cette sensation que nous ne pouvons pas percevoir en Europe. Ainsi, la grande traversée des parcs naturels, sans croiser un seul village pendant des centaines de kilomètres, était inconcevable.
En revanche, on va pas se mentir, on y bouffe vachement mieux qu’outre-Atlantique.

D’autre part, la photogénie parfois presque ridicule des points de vue en a fait un endroit extrêmement touristique. Les Tre Cime (littéralement les « trois sommets ») du Sud-Tyrol ont voyagé dans le monde entier sous forme de cartes postales. Et c’est consternant à dire, mais comme beaucoup de choses en Italie, ces panoramas sont presque trop irréprochables.
Si tu es jeune et que tu ne sais pas ce qu’est la photogénie, c’est simplement la qualité de ce qui est photogénique. Et si tu ne sais pas ce que veut dire photogénique, remplace par « instagrammable ».

Attention, il ne faut pas se méprendre, car c’est une région à découvrir, et à découvrir absolument.


Lago di Misurina
o
o
Seceda
o
o
o

~ CADINI DI MISURINA ~

O
O
O

De mon côté, j’ai finalement pardonné aux Italiens. Je me suis remis à manger des pizzas. Je me suis même rendu compte qu’en réalité, j’adorais ça. Il suffisait simplement d’en déguster dans le pays qui les a inventées.
Pizza quattro formaggi per sempre nel mio cuore 🤌


BONUS : VENISE

o

« Les Italiens sont des Français de bonne humeur. »
– Jean Cocteau

2 commentaires sur “The situation is excellent but not hopeless

Ajouter un commentaire

  1. Toujours des photos dont certaines sont sublimes, parfois un humour pour le moins tranché (à la hache ?) mais franchement drôle , j’ai passé un bon moment…(je vais voir avec le photographe si il veut bien me céder certains clichés afin de décorer mon intérieur)

    Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :